Hausse des carburants : l’excuse écologique insupportable du gouvernement Philippe-Macron
6 novembre 2018
6 novembre - En un an, le prix du litre de diesel a augmenté de plus de 20% et celui de l’essence de 14% !
L’association nationale Consommation Logement et Cadre de vie (CLCV) a chiffré l’impact de la hausse du carburant :
Pour un automobiliste possédant une voiture essence et parcourant 12 700 km par an, les taxes sur l’essence représenteront en 2018 une hausse de 102 euros par rapport à 2008, 74 euros par rapport à 2013 et 46 euros par rapport à 2017.
Pour le propriétaire d’un véhicule diesel, l’augmentation des taxes en 2018 sera de 178 euros par rapport à 2008, 147 euros par rapport à 2013 et 85 euros par rapport à 2017.
Le poids des taxes énergétiques en 2018 représentera pour les ménages possédant deux véhicules (soit 25% de la population), quasiment 1 500 € dans leur budget. Soit 25 % de plus sur leur facture carburant par rapport à 2008.
L’argument écologique ne tient pas car sur les 37,7 milliards d’euros que devrait rapporter la TICPE en 2019, un peu moins de 8,5 milliards iront à la transition énergétique...
Nous ne dépensons aujourd’hui au total que 31 milliards d’euros pour la transition répartis à parts égales entre ménages, entreprises et acteurs publics. L’Etat ne prend pas ses responsabilités et pendant ce temps là se sont les ménages qui trinquent...
En matière d’enjeux environnementaux, il faut à mon sens emporter l’adhésion par des mesures incitatives, et non repousser les Français en associant transition énergétique et dégradation de leur pouvoir d’achat.
En réponse à la nécessaire transition écologique, ce gouvernement fait une fixation sur les véhicules individuels et le porte monnaie des automobilistes et motards que par ailleurs il contribue à assécher : hausse des carburants, bonus-malus écologique sur les ventes de véhicules, hausse du contrôle technique, hausse des tarifs de stationnement, forêt de radars sur les routes…
Comme si les automobilistes et motards étaient la seule cause du réchauffement climatique...
Pourtant un train de fret c’est 50 camions en moins sur les routes. Un navire de croisière à quai pollue autant qu’un million de voitures individuelles. Sur un trajet de 500 km aller-retour en avion, c’est 241 kg de CO2 par passager !
Or, le transport ferroviaire de marchandises est passé de 19 % à 13 % en 5 ans au profit du transport routier.
Que ce gouvernement investisse donc sur le fret ferroviaire, sur la transformation de la flotte maritime et aérienne.
Et, en matière de circulation, qu’il s’attaque au racket opéré sur les autoroutes, des barrières de péages qui ont comme conséquence de reporter les trafics sur les axes secondaires comme c’est le cas pour la RN6015 pourtant parallèle à l’A29 sous utilisée.
Ou qu’il impose aux multinationales qui gèrent les concessions d’autoroute de contribuer à la transition écologique sur les bénéfices considérables qu’elles tirent de cette exploitation.
Ou encore qu’il agisse sur le trafic poids-lourds de transit, un trafic en forte progression pour le compte des transporteurs de toute l’Europe qui sillonnent les routes du pays, et en chute libre pour les transporteurs de l’hexagone.
Que ce gouvernement généralise les transports en commun, qu’il les rende gratuits, pour que chaque automobiliste ait le choix de les utiliser en substitution de sa voiture parce que ça vaut le coup !
Mais surtout, ce gouvernement continue de faire de la baisse du déficit sa priorité budgétaire au détriment de l’investissement nécessaire dans la transition écologique.
Dans le grand plan d’investissement de 50 milliards promis lors de la campagne présidentielle, 20 milliards seront consacrés sur cinq ans à la transition écologique, avec pour objectif le financement de la rénovation de 500 000 logements sur cinq ans an (contre 500 000 par an fixés par la loi de transition énergétique) pour 9 milliards ; 7 milliards en direction des énergies renouvelables et 4 milliards d’euros pour les transports. Nous sommes très en deçà de l’effort nécessaire : 20 milliards d’euros par an d’investissements publics.
Le gouvernement n’est par ailleurs pas à une contradiction près : autorisation des forages au large de la Guyane et réduction de 800 millions d’euros (soit 40%) du CITE, destiné à aider les ménages dans leurs travaux de rénovation énergétique.
Depuis 2018, une nouvelle prime à la casse est entrée en vigueur sous le vocable de prime à la conversion. Elle vise à inciter les ménages à remplacer leur véhicule (diesel d’avant 2001 ; essence d’avant 1997) au profit de voitures plus récentes (essence d’après 2006, diesel d’après 2011), moins émettrices de CO2.
Cette prime est de 1000 euros, 2000 euros pour les ménages non imposables (étendue aux véhicules d’occasion en 2019), 2500 euros pour un véhicule électrique (étendue aux hybrides neufs en 2019).
Le ministre François de Rugy a rencontré les constructeurs fin octobre, pour leur demander un effort afin de renouveler plus rapidement le parc automobile français. Les constructeurs sont d’accord pour un effort coordonné afin de doubler la prime à la casse en 2019. Dans certains cas, la prime pourra être donc de 5000€. Les modalités restent encore à préciser.
Cette prime est cumulable avec le bonus écologique de 6000 euros sur les véhicules qui émettent moins de 20g de CO2 au km.
En 2018, 250.000 voitures (soit 0,6% des 39 millions de véhicules en circulation) devraient ainsi être remplacés, soit deux fois plus que les attentes de l’État sur un an, et la moitié de ses attentes sur le quinquennat.
Si ces mesures d’aides sont les bienvenues, leur effet est marginal : dans un contexte de baisse de pouvoir d’achat des plus modestes (les 20% de Français les plus modestes ont vu leurs revenus disponible baisser de 3% en deux ans, selon l’institut des politiques publiques) aggravé par une hausse de l’inflation (depuis l’élection d’Emmanuel Macron, l’indice des prix a été multiplié par trois : de 0.8% à 2,5% en octobre), les ménages modestes et moyens seront dans leur grande majorité dans l’impossibilité de changer de véhicule et lourdement pénalisés par la hausse du carburant.
Rappelons que 8,3 millions de personnes, soit la majorité des actifs qui utilisent la voiture au quotidien, ne disposent pas en effet de solutions alternatives en termes de transports en commun.
Le transfert vers des véhicules plus propres (électrique, gaz) se heurte enfin, outre la barrière du prix, au fait que la technologie n’est pas mature et ne répond pas à certains usages (elles ne sont pas aussi polyvalentes que les voitures à moteur thermique et peu adaptées aux longs trajets). La décision qui consiste à pousser les consommateurs vers ces véhicules apparaît donc trop précoce.
Comme l’a souligné mon camarade député Fabien Roussel sur l’antenne de LCP fin octobre, on ne peut mener à bien la transition écologique, « avec 9 millions de Français qui vivent sous le seuil de pauvreté, 14% de chômage et des retraités dont les pensions s’amenuisent. » Il faut donc articuler la transition écologique sur une politique sociale ambitieuse.
Le gouvernement lui même doit choisir entre réduction des déficits et transition écologique.
Comme l’ont souligné les économistes Alain Grandjean et Gaël Giraud dans un appel lancé début septembre, il faut 2 pour atteindre nos objectifs climatiques, que l’État double son effort actuel d’investissement dans la transition écologique (rénovation énergétique, aides aux particuliers et aux entreprises, développement ferroviaire, aides aux collectivités pour les nouveaux projets de transport en commun…) de 10 à 20 milliards d’euros par an, en s’exonérant de la règle européenne des 3% de déficit public (ou en excluant ces investissements du calcul du déficit).
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