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Poursuite du Tour de France des hôpitaux à Fécamp : un établissement moderne et innovant pourtant lui aussi sous tension

D 20 avril 2018    


20 avril - Poursuite du Tour de France des hôpitaux engagé par les parlementaires communistes, avec aujourd’hui une étape particulièrement riche en échanges et en enseignements à l’hôpital-clinique des Hautes Falaises à Fécamp.

Un hôpital moderne, innovant où le souci de l’humain d’abord est présent jusque dans les moindres petits détails, un hôpital de proximité, attractif, qui fait la force d’un territoire autour de ses élus locaux, un hôpital qui peut s’appuyer sur l’engagement de ses agents et médecins. Pourtant, un hôpital qui lui aussi est sous tension, confronté à un système qui au nom de la rentabilité conduit à une bureaucratie, à une technocratie éloignant les directions et personnels hospitaliers de leur mission première : les soins et l’accompagnement des patients.

Avec Céline Brulin, Conseillère régionale, et Dominique Tessier, Conseillère départementale, nous avons été reçus en toute transparence, par Monsieur Lefèvre, Directeur de l’établissement et le Docteur Albisetti, Président de la Commission Médicale d’Etablissement pour une visite et un échange "sur le terrain" avec plusieurs cadres de santé.

Nous avions été préalablement accueillis à l’entrée de l’hôpital par le Collectif "Un Médecin pour Tous" qui conduit un travail citoyen remarquable pour résorber le déficit dans l’offre de soin sur ce territoire et porter la voix des patients.

Vidéo de l'accueil par le Collectif (HTML - 165.1 ko)
Vidéo de l’accueil par le Collectif

Puis, nous avons échangé avec une délégation syndicale qui nous a remis au nom de toute l’équipe du service des urgences une alerte sur leurs conditions de travail.

Des représentants syndicaux de la Cgt, de Sud Santé et de la Cfdt qui ont été conviés, j’ai apprécié cette démarche, par la Présidente du Conseil de surveillance de l’hôpital, Marie-Agnès Poussier-Winsback, Maire de Fécamp, à participer à une table ronde organisée en fin de visite avec plusieurs cadres de l’établissement, Serge Lecrosnier, Vice-Président de l’agglomération Fécamp Caux Littoral et Jean-Pierre Thevenot, Maire de Cany-Barville.

Ce centre hospitalier intercommunal de 517 lits dont 400 au sein du pôle Gériatrie et doté d’une maternité, rattaché au Groupement Hospitalier de Territoire dont le Groupe Hospitalier du Havre est l’établissement support, est, à bien des égards exemplaire.

Il dispose de locaux modernes et adaptés, d’un savoir-faire et d’un engagement fort de ses personnels soignants comme non soignants, d’un souci d’humaniser les relations comme les locaux (que l’on retrouve par exemple dans l’aménagement d’espaces d’accueil, d’échanges confidentiels ou de convivialité, ou encore dans la décoration des couloirs comme des chambres).

Il innove, à l’image de sa salle de relaxologie et d’hypnose, et il a réussi, ce qui est assez rare, une complémentarité parfaite (et non une concurrence déloyale) entre l’hôpital public et la clinique privée.

Mais surtout, il peut compter sur un atout irremplaçable : celui de la proximité et de la connaissance des populations avec un fort engagement des élus locaux.

Pourtant, ici comme ailleurs, le personnel est en souffrance, avec notamment des situations de burn-out, les urgences sont fréquemment débordées. Les logiques de gestion comptable mobilisent chacun au détriment du temps de soin et d’accompagnement des patients.

Cette mécanique de gestion, poussée par l’Agence Régionale de Santé, c’est par exemple des marchés publics qui doivent désormais être regroupés pour prétendument dégager des économies, alors qu’à l’arrivée cette massification conduit à des coûts supplémentaires et à un éloignement des centres de décisions. La direction de l’hôpital n’est plus en rapport direct avec ses fournisseurs mais devient un simple lieu de livraison.

La bureaucratie et la technocratie prennent le pas sur la proximité et l’individualisation.

J’interviendrai pour que soit corrigée cette dérive en demandant que puisse être favorisé l’allotissement. C’est-à-dire l’adaptation des marchés aux besoins des établissements et spécificités des territoires. Que les marchés d’assurance soit regroupés au sein d’un même Groupement Hospitalier de Territoire cela s’entend, mais cette logique appliquée à la restauration, aux mobiliers, aux équipements conduit à une déshumanisation et un déracinement des hôpitaux de proximité en alourdissant leurs charges.

Plutôt que de tenter d’adapter les besoins aux moyens, l’Etat et ses ARS seraient mieux inspirés de partir des besoins pour adapter les moyens. Et ce n’est pas l’argent public qui manquerait pour cela, mais cela implique d’autres choix politiques.

Les personnels que j’ai écouté me l’ont bien dit : "nous sommes partout à la fois et donc nulle part", "nous sommes la variable d’ajustement du système", "nous voulons bien faire notre métier mais on ne nous en donne pas les moyens"...

Dans ce système comptable actuel où les hôpitaux sont financés selon une tarification des actes réalisés, agir dans le cadre d’une démarche qualité ne rapporte rien sur le plan budgétaire ! De même, le système pousse à faire sortir au plus vite les patients, quitte à ce qu’ils soient réhospitalisés par la suite.

A ce propos, j’ai noté la proposition pleine de bon sens émanant d’un chef de service : dans la grille tarifaire, la réhospitalisation ne devrait rien rapporter à l’hôpital, cela pousserait les établissements à maintenir un patient hospitalisé tant qu’il n’est pas jugé totalement apte à sortir.

Autre sujet majeur, celui des urgences.

Faute de médecins de ville en nombre suffisant, les gens se tournent de plus en plus vers les urgences (30 % des accueils aux urgences résultent du déficit dans l’offre de soin de la médecine de ville). Désormais, des gens venant aux urgences aux heures creuses, la nuit, pour consulter, les personnels des urgences n’ont plus de répit.

J’ai entendu la difficulté à obtenir de l’Agence Régionale de Santé (ARS) des internes pour les urgences.

J’ai enregistré que les 3.450 heures supplémentaires constatées sur les compteurs d’heures des infirmiers et les 900 heures sur celui des aide-soignantes, représentent la création de 2 postes d’infirmiers et un demi poste d’aide-soignante. Et bien l’ARS vient de décider de diminuer le quota d’infirmiers en Normandie !

J’ai surtout constaté de la bouche même des professionnels, que la situation des urgences conduit inévitablement à une "perte de chance", en d’autres termes à une mise en danger accrue, de patients.

Au delà, j’ai mesuré qu’en raison des contraintes imposées par le système, des métiers de l’hôpital sont désormais désertés. Tel est le cas des kinés et des infirmiers. Le métier, trop pénible, trop exposé et trop bureaucratisé, devient un métier non attractif.

Nous avons abordé également le grave déficit dans la prise en charge en psychiatrie, regroupée au Havre. Fut un temps, on pouvait parler dans certains cas "d’internement abusif" en psy. Désormais, faute de moyens pour prendre en charge les patients, on peut parler "d’externement abusif".

Enfin j’ai souligné les gros efforts consentis par les élus locaux pour soutenir leur hôpital et tenter de résorber le déficit dans l’offre de soin de la médecine de ville. Un engagement précieux qui a été remercié par la décision de l’ARS de faire sortir Fécamp de la cartographie sanitaire prioritaire, conduisant à une diminution de ses moyens ! C’est la double peine.

Des élus locaux qui regrettent amèrement un affaiblissement de leur rôle et de leur poids dans les instances de direction de l’hôpital.

En conclusion, pour tous ceux que j’ai rencontré aujourd’hui, l’hôpital public est désormais à un moment charnière de son existence : ou il obtient une inversion des logiques qui l’ont placé en situation de crise, ou il connaitra une aggravation de la crise sous les effets notamment de l’allongement de la vie et du vieillissement de la population.

Notre journée s’est poursuivie par une rencontre avec les bénévoles du collectif "Un Médecin pour Tous" et le Docteur Leroux.

Un grand merci pour l’accueil que vous nous avez tous réservés aujourd’hui. Je porterai vos voix.

Paris-Normandie, 7 février 2018 (HTML - 174.6 ko)
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